FRANCAIS

L'histoire en tant que science et champ d'études est en pleine mutation.
Grâce aux apports constants de l'archéologie, de la génétique, ainsi qu'à la confrontation avec d'autres sciences humaines (anthropologie, sciences sociales) ou "sciences dures" (démographie, biologie, statistiques) ce que l'on pensait acquis sur l'histoire et la généalogie des peuples est constamment enrichi et remis en question.
Ce blog a pour objet d'informer sur certaines découvertes qui modifient (ou pourraient modifier) nos connaissances sur nos ancêtres, des premiers homo sapiens jusqu'à nos grands-pères...


ENGLISH

History as a science and a field of study is undergoing significant changes.
Thanks to the contribution of archaeology, genetics, as well as exchanges with other human sciences (anthropology, social sciences) or "hard sciences" (demography, biology, statistics), historical and genealogical facts that were once considered to be established or "written in stone" are now being questioned, revised and enriched.
The aim of this blog is to inform and discuss current discoveries that modify (or could modify) what we know about our ancestors, from the first homo sapiens to our grandfathers...



mardi 28 juin 2011

Les colons flamands en Afrique du Sud ou le fantasme du généalogiste

Cet article est paru pour la première fois dans « Nord Généalogie» numéro 170 de septembre 2001. Il a été revu, modifié et complété en mai 2011 pour le site web du
Vlaamse Vereniging voor Familiekunde (principale association généalogique flamande de Belgique)


     Lors d'un séjour de deux ans en Afrique du Sud, je m'étais intéressé aux flux migratoires de la deuxième moitié du XVIIe siècle à destination de ce pays et en provenance de la Flandre et de l'Artois.

I)  LE FANTASME DU GENEALOGISTE

Lorsque l'on s'intéresse à ces migrations, on comprend rapidement que les recherches familiales en Afrique du Sud répondent à plusieurs fantasmes du généalogiste moyen.
L’introduction de l’ouvrage de référence de Christoffel COETZEE DE VILLIERS « Genealogies of old South African Families »[1] précise ainsi qu’il n’y « avait pas un autre pays au monde où puisse exister un ouvrage contenant la totalité des archives généalogiques des différentes familles composant le pays depuis sa fondation ». Remarquons qu’à cette occasion, l’auteur élimine d’un revers de main les plus de 35 millions (sur plus ou moins 43 millions) de Sud-Africains actuels qui descendent des populations noires originelles ou des migrants indiens… Néanmoins, l’idée de base est là : il est tout à fait fascinant de se pencher sur les généalogies de familles de colons blancs car l’on atteint alors au rêve de tout généalogiste  :

1)       Remonter jusqu’à l’ancêtre originel, fondateur de la « dynastie »
2)       Relier entre eux les porteurs d’un même nom (sauf dans quelques rares cas où plusieurs colons portant le même nom mais sans lien de sang, se sont installés à la même époque en Afrique du Sud).

En résumé, cela veut dire que vous pouvez être assuré d’une parenté avec la personne que vous rencontrez et qui porte le même nom que vous ! Notons la dimension religieuse avec ce raccordement jusqu’à un mythique couple « Adam et Eve » à l’origine du monde. Il n’est pas innocent que la généalogie soit particulièrement développée au sein de la communauté dite « afrikaner[2] » dont la piété et le sentiment d’être le « peuple élu » constituaient les piliers de leur identité.

II)  LES HUGUENOTS

Les mariages entre les diverses communautés issues d'Europe occidentale furent quasiment la norme lors des deux ou trois premières générations installées dans la région du Cap. Les autorités de la colonie s'étaient rendus compte des menaces sur l’homogénéité de la communauté du fait de la diversité linguistique et ethnique des arrivants. Une politique d’éparpillement géographique des terres attribuées aux huguenots[3] avait ainsi limité les mariages entre membres de la communauté francophone, et la promotion active du néerlandais avait donné le coup de grâce à la pratique de la langue française en Afrique du Sud, malgré le désir des premiers colons de préserver leur identité. Comme l’ont très bien montré MM. Derreumaux et Delvinquier (dans "Nord Généalogie" numéro 167), les traces de la présence française en ces terres lointaines se retrouveront seulement dans les noms des fermes et vignobles de la région du Cap, en particulier dans la région de Franschhoek (la vallée française).
Les Sud-Africains attachent une grande importance au nom de famille. Sera considéré comme descendant de huguenot celui qui porte un nom français, alors que ce ne sera pas le cas de celui qui a vu ses branches huguenotes peupler sa généalogie maternelle. De la même manière, il est très fréquent de donner au premier fils le prénom de l’ancêtre originel huguenot.

III)  L’ORIGINE DES COLONS EUROPEENS


Quelle a été l’influence huguenote en termes démographiques ? Question difficile à laquelle on ne peut apporter de réponse définitive. La composition « ethnique » de la population afrikaner (on laissera ici de côté la partie de la population sud-africaine descendant de colons britanniques arrivés plus tardivement) est un perpétuel sujet de discorde. Pour les paragraphes qui suivent, je me suis appuyé sur l’ouvrage « Genealogies of old South African families » qui figure en bibliographie.
Le premier à se pencher sur la question des origines des colons fut G. Mc Call Theal qui déclara en 1897 que cent ans auparavant, en 1797 donc, les deux tiers des Afrikaners descendaient de Néerlandais, un sixième de Français et le reste d’Allemands et d’autres origines. Il reconnaissait cependant que ce n’était pas l’origine qui importait mais plutôt la date d’arrivée du premier colon de la famille et la fertilité des mariages. En 1902, Colenbrander fit de nouvelles recherches et estima qu’en 1806, les Afrikaners (ou Afrikanders) étaient pour 50 % d’origine néerlandaise, 27% d’origine allemande, 17% d’origine française et 5% d’autre origine. Il estima que la proportion des populations blanches des républiques Boers ne changea pas après cette date car jusqu’à la fin du XIXe siècle, les Boers (paysans d’origine néerlandaise) n’épousaient pas d’anglophones. Cependant, d’autres auteurs estimeront que les Boers étaient surtout d’origine allemande (sur les 1391 colons arrivés au Cap avant 1806, 745 étaient d’origine allemande). Bosman publia une nouvelle étude en 1923 qui fait grosso modo encore foi : 53% de Néerlandais, 28% d’Allemands, 15% de Français et 4% d’autre origine.


IV) COLONS HOLLANDAIS, ALLEMANDS OU FLAMANDS?

Le problème principal de ces études statistiques sur l’origine des colons est un problème de dénomination. Le terme de « Néerlandais » ou « Hollandais » devrait, pour certains, être étendu à d’autres que ceux qui vivaient à l’intérieur des strictes frontières des Provinces Unies. Par exemple, la plupart des émigrants allemands parlaient le bas-allemand et n’étaient pas considérés comme étrangers par les Hollandais du XVIe, en effet, le territoire au sud-est de Cologne formait une unité culturelle avec les Provinces Unies. Même au XVIIe, la frontière politique, linguistique et culturelle était plus que mouvante (immigration continue de « pauvres » allemands vers les « riches » Pays Bas). Il fallut attendre longtemps pour que la division politique créée par le Traité de Westphalie en 1648 devint une division culturelle. C’est la conquête par la Prusse de ces territoires qui fit remplacer le bas-allemand par le haut-allemand. Avant cette date, de nombreux territoires aujourd’hui allemands avaient été aux mains des Pays Bas et en conséquence, de nombreux habitants de ces régions s’engageaient dans les Compagnies des Indes Orientale et Occidentale. Rappelons enfin que l’Allemagne en tant qu’unité politique n’existait pas à l’époque.
Les mêmes remarques peuvent être appliquées à la Flandre, néerlandaise culturellement et linguistiquement mais divisée politiquement. Cette fois-ci le problème de dénomination ne se pose pas avec les voisins néerlandais du nord mais avec les voisins français du sud. En 1943, Dom A. Smits publie « De betrekkingen tussen Vlaanderen en Zuid-Afrika » (« Les liens entre la Flandre et l’Afrique du Sud ») qui est aussi une étude de l’origine des émigrants « français » : 58 des 164 familles listées par C. Graham Botha comme étant d’ascendance huguenote venaient des Flandres françaises. L’auteur s’interroge sur le fait qu’ils aient pu quitter leur région en raison de la récente conquête de ces territoires par la France. J.E. Van Driesche précise dans son « Histoire de Tourcoing » que l’émigration s’est aussi faite en raison de l’effondrement de l’industrie du tissu car la Flandre se trouvait désormais coupée de ses acheteurs. M. Smits estime que leur rapide intégration aux colons hollandais serait due à la pratique de la langue flamande par ces colons « français ».

Ce débat sur les origines des colons n’est bien entendu pas clos et doit éviter plusieurs écueils dont celui de tomber dans l’argument émotionnel ou raciste. Un pur regard géographique n’est pas suffisant pour répondre à cette question car il faudrait étudier bien plus en détail d’autres documents pour déterminer l’appartenance à un groupe culturel. De même, la descendance en ligne masculine a seulement une signification juridique et sociale mais pas biologique puisqu’elle ne représente qu’une infime partie du tout.


V)  LISTE DES EMIGRANTS 


La première partie de la liste des émigrants nordistes et flamands est parue sous la plume de MM. Derreumaux et Delvinquier ("Nord Généalogie" numéro 167). La deuxième partie est le fruit de mon travail et complète la première avec les émigrants arrivés bien après la première vague de 1688-1690.
La première liste est basée sur l'ouvrage de Pieter COERTZEN "The huguenots of South Africa 1688-1988" Tafelberg. Le Cap. La deuxième liste est basée sur les livres cités en bibliographie.


PREMIERE PARTIE:

-       François BASTIAANS originaire d'Armentières et arrivé avant octobre 1686
-        Abraham BELUSET originaire de Calais, arrivé en 1688
-     Josse, Theunis et Francine BEVERNAGE, originaires de Courtrai et/ou Nederbrakel, arrivés vers 1700.     Francine avait épousé à Steenwerck Jacques MOUTON (voir plus bas)
-       Engelbert CAUCHETEUX originaire de Marck et/ou Calais, arrivé en 1690
-       Marie de GRAVE originaire de Fleurbaix, arrivée en 1683
-       Guillaume et Marie de HAAS, originaires de Lille, arrivés vers 1700
-    Nicolas DELANOY (x Marguerite de FRANCE) et leurs enfants Marie, Nicolas, Mathieu, Suzanne et François, tous originaires de Guines ou Calais, arrivés en 1688
-         Jacques DELPORTE (originaire de Lille) et son épouse Sarah VITU, arrivés en 1699
-     Louis de PERONNE, originaire de Nazareth (Oost Vlaanderen) arrivé en 1687 comme soldat de la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales
-      Hercule DESPREZ et son épouse Cécilia DATIS originaires de Courtrai, arrivés avec leurs enfants Elisabeth, Hercule, Marie Jeanne, François Jean, Jacquemine et Philippe en 1688
-         Philippe DROUIN originaire de Calais, arrivé en 1698
-     Pierre DUMONT, originaire de Calais, arrivé en 1696 et remarié à Cécilia DATIS veuve de Hercule  DUPREZ
-         Marie Catherine DURIER, originaire de Lille, arrivée en 1700
-         François et Guillaume DUTOIT originaires de Lille et arrivés en 1686
-         Anne GOUDALLE originaire de Guines ou Calais arrivée en 1688
-        Gérard HANSERET originaire de Saint Omer, arrivé en 1701 avec son épouse Gabrielle WAVRAND
-     Pierre LEFEBVRE et Marie de GRAVE originaires de Fleurbaix arrivés en 1683 avec sa soeur Barbe LEFEBVRE et son fils Guillaume LEFEBVRE
-        Jean MANIER originaire de Calais, arrivé vers 1689
-       Jacques MOUTON, originaire de Steenwerck, arrivé en 1699 avec 3 enfants issus de son premier mariage avec Catherine LHERMITTE: Marie, Madeleine et Marguerite
-       Daniel, Jacques et Jean NOURTIER, trois frères originaires de St Blaise près de Guines et arrivés en 1688 avec l'épouse de Daniel, Marie VITU, originaire de Guines ou Calais
-    Charles PREVOST et Marie LEFEBVRE originaires de Dombrie arrivés en 1688 avec leurs enfants Abraham, Anne, Elisabeth et Jacques
-      Jean ROGIER ou ROSIER originaire de Moortseele (Oost Vlaanderen) ou Courtrai, arrivé en 1699 comme soldat

DEUXIEME PARTIE:

-          Jean DE BUS (marié à Sarah JACOB) arrivé en 1688 serait né le 06/09/1670 à Guines de Jean DEBUS et Elisabeth DELEBECQUE
-          Sarah JACOB (marié à Jean DE BUS) serait née le 06/10/1677 (baptisée le 31/10/1677) à Guines  de Pierre et Suzanne DE VOS. Ce couple a eu comme autre enfants Suzanne (née à Calais) et Daniel (né à Vieille Eglise, près de Calais, en 1673)
-          Alexandre Bertinus DANEEL. Arrivé de Poperinge et marié en Afrique du Sud en 1800
-          Joost Pietersz et Burger Pietersz VAN DYK arrivés d’Ysenberg (Flandres) vers 1695
-          Guillaume HEEMS. Arrivé de Bruges en 1673
-          Pieter KEMP. Arrivé de Bruges en 1715
-          Maximilien DE HUVETTER. Arrivé de Bruges en 1719
-          Johannes François CLEENWERK. Arrivé de Bruges en 1787
-          Willem KOEKE de « Petegem près de Deynse » (Flandres) marié sur place en 1793
-          Pierre Joseph DE KOOPMAN de Cassel, marié en 1810
-          Pieter François LE CLUS de Gent (né le 27/02/1758, marié en 1786)
-          Frans MASSIN. Arrivé de Gent en 1778
-          Suzanne COSTEUX ( ou COCHETEUX) née à Marck de Esaias et Suzanne ALBERT
-          Jacques MOUTON de « Steenkerken  près de Lille » épouse Catherine LHERMITTE de « Steenkerk » puis en troisième mariage Francine DE BEVERNAGE de « Neerbrakel près d’Oudenaarde » (Flandre) voir première partie
-          Jan Frederik MULLER. Arrivé d’Ostende et marié sur place en 1807
-          Egidius Charles OLIVIER. Arrivé de Mechelen (Belg.). Marié sur place en 1795
-          Jacob Joseph PEROT. Arrivé de « Luik » (Belg.) en 1771
-          Marie Angèle VAN DER CRUYCE. Arrivée de Cassel en 1760 (née vers 1745)
-          Cosmos Joseph et  Pierre Jacques RADEMAN. Arrivés de Courtrai en 1767
-          Johannes Hendricus ROSELT . Arrivé de Mechelen (Belg.). marié sur place en 1788
-          Maria DE HAASE de Lille, fille de Guillaume et Marie Catherine DURIER (épouse Jean LEROUX, arrivé en 1690 de Normandie)
-          Philippe Joseph Léonard RYKHARD. Arrivé de Mechelen (Belg.) et marié sur place en 1790
-          Jacob TALJAARD. Arrivé de « Doornik » (Flandre) en 1749
-          Adam TAS né vers 1668 de Jean TAS, « commis des recherches » de « Ommerfort in Overryssel » (Saint Omer ?)
-          Marie Jeanne DES PREZ, qui épouse Jacques THERON en 1697, est aussi décrite comme venant de Béthune
-          Jean DUVAL de « Duinkerken » (Dunkerque ?) marié sur place en 1763
-          Pieter VISAGIE. Arrivé d’Anvers en 1657
-          Jean Baptiste DE VOS . Arrivé de « Severghem » (Flandre) et marié sur place en 1787
-          Pieter VAN DER WESTHUYZEN. Arrivé de Bruges en 1662
-          Jacomina CARTENIERS. D’Oudenaarde
-          Antoine ASSERON. Arrivé de Bruxelles et marié sur place en 1788
-          Louis Pierre AVENANT. Arrivé de Bruxelles et marié sur place en 1807
-          Jean François AWART. Arrivé de Bruxelles et marié sur place en 1819



BIBLIOGRAPHIE :
(la difficulté de diversifier ses sources vient de la publication de la majorité des documents en afrikaans. Je me suis donc appuyé sur les sources anglophones qui , pour certaines, figuraient dans des ouvrages publiés dans les deux langues)

C.C. DE VILLIERS. « Genealogies of old South African Families ». A.A. Balkema. Le Cap/Rotterdam. 1981. 2 volumes
J.A. HEESE et R.T.J. LOMBARD. « South African Genealogies » Pretoria. 1986. Tome A jusqu’à C
Manfred NATHAN. « The Hughenots in South Africa ». Le Cap. 1939
C. Graham BOTHA . « The French Refugees at the Cape » Le Cap. 1919






[1] voir bibliographie
[2] Les Afrikaners sont les colons principalement d'origine hollandaise (mais également française ou allemande) qui sont arrivés en Afrique du Sud dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Le terme regroupe les locuteurs de la langue afrikaans.
[3] Protestants ayant quitté la France pour se rendre aux Pays Bas ou en Angleterre après la révocation entre 1660 et 1685 de l'édit de Nantes qui reconnaissait la liberté de culte, et la politique de conversion au catholicisme sous Louis XIV.


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